Trop c’était trop ! Bien sûr que le blond allait se révolter au bout d’un moment !  Pour qui l’avaient-ils pris ? Le père noël ? Oh ça non, il ne leur ferait pas ce cadeau. Il n’avait pas signé pour se plier aux humeurs taquines de son employeur – du moins n’était-il pas au courant de cela– ni pour jouer au bon petit employé de bureau en totale soumission. Il voulait bien comprendre que les deux hommes aient un besoin d’affirmer leur position par rapport à l’autre, voir s’affrontent sur qui avait la plus grosse ou je ne sais quoi encore.  Ce genre de chose que font les humains, six jours sur sept lorsqu’ils ne sont pas préoccupé par d’autres choses plus utiles. D’accord, il s’éloigne un peu. Enfin bref, il comprenait. Mais hors de question qu’il prenne part aux festivités ou ne servent de marionnette à Anoki,  quand bien même il était son ami.

Mauvaise pioche pour le jeune Lawrence. Le petit blond cachait son irritation croissante autant que faire se peut mais le vin fut la goutte de trop. Tout comme la nourriture, la boisson était incroyable et l’empêcha un instant de s’énerver. Mais il fallait pas pousser mémé dans les orties non plus, nan mais ! Il avait beau apparaître du genre faiblard et aussi docile que fiable, on ne se servait pas de lui aussi aisément sans en subir les retombées. C’est avec un ton cassant qu’il répondit aux deux hommes avant de rendre la coupe à son propriétaire. Le volatile boudait désormais.

Pour preuve de ma bonne foi, je vous ferai goûter une cigarette. Un petit producteur local mais dont chaque pièce faite est une merveille en bouche. Vous m’en direz des nouvelles… C’est pour me faire pardonner cette cigarette que vous n’avez pas pu terminer.

Comment l’amérindien était-il au courant de ce fait était un mystère pour le blondinet. Il n’avait malheureusement pas un si bon nez que celui du shoshone. C’est vrai qu’il fumait déjà, cet idiot. Sans doute que les fumeurs avaient un don pour se reconnaître entre eux. Faith fit la moue, très peu enclin à tester le tabac. Ce ne fut pas le cas du propriétaire du restaurant qui haussa un sourcil curieux, hésitant probablement entre accepter poliment et réprimander l’outrecuidance du brun. Brun qui lui proposa ensuite un verre. Faith en serait rester sur le cul mais se contenta de fermer son clapet et d’apprendre. Qui sait, Anoki n’était pas devenu gérant de casino du jour au lendemain, il devait savoir ce qu’il faisait et où il s’aventurait.

Je ne mettrais vos paroles en doute pour aucun cas, Sir. Ce sera un plaisir de vous recevoir de nouveau mais je me dois de refuser ce verre. Une prochaine fois, éventuellement… Je dois après-en m’excuser auprès de vous, j’ai des casseroles sur le feu.

Au plaisir de vous revoir.

Faith ne savait pas ce que cherchait à faire Anoki en tournant autour du pot de la sorte. Il ne l’avait jamais vu interagir avec des inconnus ou des concurrents auparavant, hormis dans l’enceinte de son casino. Or, ce soir-là, ils étaient tout sauf sur son territoire et jouer avec le feu n’était pas de bonne mesure.

Il resta silencieux jusqu’à ce que le maître des lieux s’éloigne de leur table et que la sensation d’être observé disparaisse. Partiellement. Le moment d’angoisse était passé, alléluia ! Ils se retrouvaient à nouveau seuls.

Alors, tu vois Faith, ce n’était pas si difficile que cela !

Taquiner le danois était une mauvaise idée si Anoki ne voulait pas se retrouver avec un piaf en colère. S’il était lui, il ne chercherait pas à aggraver son cas.

Anoki Lawrence, toi...

En tant que futur professeur, il se promettait de se venger plus tard ­ de façon tout à fait honorable­. Pour le moment, Faith devait se calmer et respirer un bon coup avant toute chose.

Everything’s fine, you’re not dead from embarrassment, see !
Finalement, après quelques secondes à fusillé du regard son patron, ses épaules se relâchèrent et il poussa un soupire désespéré.

Tu es le pire des garnements sur lequel j’aurais pu tomber ! Rouspéta-t-il en piquant ses derniers morceaux de poisson à l’armoricaine. Je crains que tu ne sois un cas irrécupérable, mais j’essaierai de faire de mon mieux.

Des heures d’études qui s’annonçaient dangereuses pour la survie du changelin. Dans quelle situation allaient-ils encore se retrouver ? Faith n’était pas certain de vouloir le savoir.

Anoki lui présenta ses excuses en cachant bien mal son amusement. Bah, Faith aussi avait délaissé son air grincheux pour un sourire mutin. Même s’il ne fallait pas trop encourager son ami ci-présent à faire des bêtises, l’amérindien avait un don pour détendre l’atmosphère lorsqu’il le voulait. Il ne pouvait tout simplement pas rester fermé devant sa mine malicieuse de sale gosse fier de lui. Flûte à la fin.

Le brun entamait à présent le sujet de leurs futurs cours. C’est-à-dire qu’il n’avait pas encore cherché bien loin, notre blondinet, puisqu’ils n’avaient pris la décision quelques instants auparavant. Si Anoki avait des lacunes dans certaines matières plus que d’autres, ils commenceraient par cela. Faith pouvait accorder autant de temps au jeune homme qu’il en avait besoin, tant que cela grignotait pas sur ses horaires de boulot. Et encore, rien ne l’interdisait de lui donner un coup de main dans ses études lorsqu’il devait gérer la bibliothèque, pas vrai ? On n’allait pas lui taper sur les doigts pour indiquer à un étudiant quelques bouquins à feuilleter ou bien jeter un œil sur une copie entre deux enregistrements de livres. Il y avait peu de monde présent dans la matinée. Anoki allait juste devoir apprendre à dormir plus le soir et à se lever un peu plus tôt, voilà tout ~

Je n’ai pas besoin de tes bulletins, ne t’en fais pas. Je compte sur toi pour me dire dans quelles matières tu as plus de difficultés et celles où tu préférerais prendre plus de temps. Tu poursuis un B.A en histoire, d’après ce que j’ai entendu ?

Les rumeurs sur le propriétaire du casino n’était pas simplement répandues à l’extérieur de l’établissement, par quelques rivaux jaloux ou clientes dégoûtées de s’être faite mises dehors. Anoki Lawrence était aussi un excellent sujet de conversation parmi les employés qui le connaissait bien et Faith n’était pas à l’abri d’entendre tout plein de chose sur lui. Il n’y prêtait généralement pas vraiment attention, comme il ne prêtait généralement pas attention aux choses qui nécessitaient de parler volontairement à des gens d’un mètre de plus que lui, sauf pour ne pas être impoli.

L’Histoire humaine ? C’était un sujet qu’il connaissait bien, au moins. S’il aurait pu présenter lui-même quelques défaillances au niveau des sciences ou de l’humanisme, l’Histoire avec un grand H était un de ses sujets de prédilection avec l’étude du surnaturel et des folklores multinationaux. Il était bien dommage que les humains n’accordent que peu d’importances aux mythes et légendes au lycée et à l’Université, à moins d’être dans des filières particulières.
Anoki visait simplement son bachelor en art, le danois devrait veiller à ne pas trop s’éparpiller.

Nous pouvons commencer quand cela te chantera. Je suis sûr que personne ne verra d’inconvénient à ce que tu viennes passer une matinée ou deux à la bibliothèque municipale. Ou bien l'après-midi ? Mais je dois travailler au casino la plupart du temps. En tout cas, elle est pleine de ressources et est peu utilisée, alors autant en profiter !

La lotte s’accompagnait divinement bien avec les tomates et les autres ingrédients qu’il tentait de déchiffrer avec un peu de mal. Ail, échalotes, laurier, vin blanc… Il n’était pas sûr de pouvoir reconnaître le reste. De toutes manières, l’essentiel était qu’il prenne plaisir à manger son repas, pas qu’il sache la composition exacte de ce dernier. Faith pris le temps de finir son plat, piquant ses derniers morceaux de poisson et de légumes mais n’ayant tout de même pas le courage de finir toute la sauce au fond de l’assiette. Il fit passer le tout avec un verre de vin, puisqu’Anoki semblait se contenter d’un seul verre. Quel était l’intérêt de commander une bouteille si ce n’était que pour siroter un fond, hm ? Rah, les enfants.


Dessert ? Pas de dessert ? Ah, il ne disait pas non à cela ! Le petit blond se sentait un peu gêné de commander quoique ce soit alors que son compère se contentait d’un thé. Mais Faith était un vrai bec sucré et ne pas profiter d’un dessert qui s’annonçait aussi bon que ce qu’il avait mangé précédemment… Honte, infamie !
Alors que leur serveuse s’approchait pour récupérer leur plat et prendre leur commande, le métamorphe baissa le nez en zieutant le tableau noir sur lequel étaient écrits les plats du jour. Il fallait avouer que les desserts qui répondaient présents à l’appel promettaient de grandes choses à notre ami oiseau. Qui était-il pour résister à cette tentation ? Toutefois, il est vrai que la lotte remplissait bien son estomac. Opter pour quelque chose de léger dans ce cas ? La serveuse n’attendait plus que lui en plus. Il mordilla sa lèvre inférieure avant de se lancer.

J-.. Je prendrais un tiramisu alors, avec un Russian Earl Grey, s’il vous plaît !

Et puis, s’il regrettait vraiment son choix, il inviterait à son tour son employeur à manger, et cela serait régler. Voilà !

Les civilisations anciennes, hm… Intéressant ! Si Faith devait aider Anoki sur ce sujet là, damn qu’il était partant ! Et s’il pouvait au passage en apprendre plus sur l’Histoire effacée de leur monde, il était prêt à commencer n’importe quand. Oh mais attends, je devrais noter tout cela avant d’oublier.

Il se tortilla sur sa chaise un instant pour attraper le téléphone portable enfoui dans l’une des poches de sa veste. Quelle idée brillante ! Le blondinet allait noter tout ça là-dessus. La technologie humaine se révélait bien pratique parfois. Il ne se trimballait pas avec un calepin H24, le polymorphe. Eh oui, le ‘vieux’ qu’il était savait se servir d’un smartphone. Plutôt étonnant. Bon, il n’avait pas une parfaite maîtrise de l’engin mais c’était déjà bien tout de même !

Ne t’en fais pas, je trouverais un moyen de capter ton attention ehe!

Foi de piaf, Il y arriverait !
Le danois sauvegarda donc la liste des matières sur son téléphone, tapotant sur l’écran tout en répétant les paroles de l’amérindien dans un murmure, tel un mantra, au cas où il ne s’en rappellerait pas. Sciences sociales, humaines et naturelles, Histoire, mathématiques et civilisations.  S’il faisait suffisamment de recherches de son côté, ils devraient s’en sortir.
Les mathématiques et l’histoire, aucun problème. Quand aux autres matières, il allait devoir garder concentré son ami en essayant de lui faire voir leur bon côté.

Anoki proposait donc de commencer le lundi même. Faith n’avait pas de soucis à faire cela. Si c’était vraiment aussi grave que le suggérait son employeur, mieux valait si prendre tôt.

Parfait, nous commencerons donc lundi-… sa mine se fit plus préoccupée.

Restait néanmoins son plus gros problème. Toute cette histoire était bien sympathique, cela ne l'avançait à rien dans ses propres projets. Il ne pouvait pas rester ainsi à travailler et à donner des cours à un étudiant lorsqu’il devait se focaliser sur une façon de venir en aide à Jack ! Leur temps était compté ! Il y avait deux scénarios probables qui pourrait arriver prochainement. Le premier était le retour du directeur soudain : ils seraient sans défense ni moyens de le battre. Une petite pirouette comme celle à la fête foraine ne les sauverait plus. Le second, dans laquelle Jack et le gluglu s’envoleraient dans la nature, continuant à semer le chaos et le trouble sans qu'ils ne sachent où ils se trouvent pour pouvoir l'arrêter.

Ses recherches sur les esprits et le spiritisme n’avaient jusque là abouti à rien. Déjà qu'il avait le moral dans les chaussettes en ce moment. Ses propres livres n’aidaient pas à contrecarrer les plans d’un démon et tous les précieux ouvrages dont il pourrait avoir besoin dans la bibliothèque n'avaient pas encore été trouvés. Effectivement, quel était l’intérêt de cacher de puissantes formules dans un tome si c’était pour écrire en rouge pétant sur la première de couverture « Détruire un démon en trois étapes » ? Pas très discret il faut dire.
Dans tous les cas, Faith devait et allait faire un tour au Shack. Le blondinet devait se presser de revoir la petite princesse, et vite ! Peut-être même contacter Apocrypha, si jamais elle savait quoique ce soit, c’était toujours bon à prendre.

Pendant qu’Anoki commandait son thé, lui se concentrait sur leurs options actuelles. Ils n’avaient pas grand-chose qui jouait en leur faveur. Les Pines avaient certainement apporté une aide précieuse à la Jackalope depuis, qui sait. Quelques indications, une direction à prendre, quelque chose !

...-our ma part je me suis bien amusé.

La voix du jeune homme le tira de ses pensées. Le blondinet releva les yeux, un peu perdu.

P-pardon ! Que disais-tu ?

Il n’avait entendu que la moitié de ce qu’il avait dit. Lört, lört, lört. Ils avaient abandonné le sujet plus tôt, ce n'était pas le moment de s'y remettre.
Parlait-il de la soirée ? C’était ce qui lui paraissait le plus logique. Sans doute attendait-il aussi un avis sur le restaurant, alors il hocha la tête avec un air incertaine

Oh, la soirée ! Oui, c’était agréable ! Hm. Très. Encore merci, j’en avais bien besoin.

Le tiramisu et les deux tasses arrivèrent, avec la théière qui allait avec. Faith n’avait pas vraiment choisi un thé raffiné ou insolite. Il en avait lui-même chez lui, mais c’est ce qui lui semblait le plus approprié pour l’instant. Quoi de mieux que de tester quelque chose que l’on aime en territoire inconnu ? En espérant qu’ils ne sortiraient pas de sachets Tetley ou Lipton, pitié.
A sa bonne surprise, les feuilles de thé semblaient se trouvées directement dans un infuseur. Quant au dessert, la présentation était toujours aussi incroyable. Et les fruits de fin de saison aussi. Décidément, ce restaurant les gâtait. Il lança un coup d’œil à l’amérindien, lui rendant son sourire taquin.

Tu es sûr que tu ne veux pas de dessert ? Tu vas le regretter, tu sais…~, plaisanta-t-il en plantant sa cuillère dans la spécialité italienne.

Il termina son verre de vin d’une traite avant que leur commande n’arrive. Il jeta un regard désapprobateur à la bouteille qui n’était pas finie. Zut. Le brun le fit cependant bien vite changer de sujet.

Ehehe, you wish !
L’idée de ses cheveux blonds passant au blanc fit sourire le danois. L’âge rattraperait sans doute l’amérindien avant lui, s’il se comparait à sa mère. Maman Søgrene n’avait que peu de rides et se portait à merveille. Sa chevelure platine était certainement exempte de cheveux gris, ou bien elle le cachait bien. En outre, si elle ne faisait pas aussi jeune qu’Agathe –plutôt logique–, elle ressemblait plus à une grande dame qu’à une mamie gâteau. Le problème lorsque votre race était une minorité sur la planète avec peu de documentation à son sujet, c’est que vous ne connaissiez pas forcément tout ce qui vous concernait. Parfois, se référer à l’espèce humaine aidait, parfois pas. Connaître sa durée de vie maximale, par exemple, n’était pas quelque chose que l’on pouvait aisément demander aux scientifiques humains. L’absence de données à ce sujet faisait que Faith aurait droit à une surprise jusqu’au bout de sa vie, s’il tenait jusque là.

Si vous le dites.

Le vous était revenu sans même le vouloir. Il préféra faire comme si de rien n’était, le tutoiement n’étant pas vraiment de son ressort. S’il se rattrapait à chaque fois qu’il cafouillait, il n’avait pas fini de se répandre en excuses, pauvre corneille !

Si seulement son ami savait… Jusqu’à quel âge vivraient-ils d'ailleurs, tous les deux ? Seul le futur le leur dirait. C’était bien le genre de chose qui lui rappelait qu’il était supposé être un homme tout à fait banal de la trentaine –ce qu’il n’était évidement pas– et que penser à ce genre de chose ne correspondait pas à ce qu’un « homme tout à fait banal de la trentaine » ferait. Évidement, ne pas en être un était sans doute la raison pour laquelle il était sujet à pareilles introspections, mais il devait se souvenir de se retenir, au moins en public, de se demander tout et n’importe quoi. Surtout devant les gens à qui il tenait et qui ne devaient absolument pas connaître sa véritable identité. Anoki faisant partie de ce groupe de personnes, il devrait plutôt se focaliser sur le délicieux tiramisu qu’il avait sous le nez, et toute cette crème saupoudrée de cacao dans laquelle il plongerait volontiers les doigts s’il n’avait pas un minimum de savoir vivre. Le petit blond dédia donc un regard pétillant au dessert tandis que son employeur remplissait leur tasse respective du thé qu’il avait choisit. Il espérait que la bergamote et le citron conviendraient au métis au moins.

Le patron du Three Feather avait beau avoir réussi à décrisper son employé, cela n’empêcha pas Faith d’être confus à ces paroles. Il fallut quelques secondes avant que ses lèvres pincées sous l’incompréhension ne forment un joli ‘o’ après avoir associé les mots dans sa tête. Il referma bien vite la bouche avant de rire.

Anoki ne serait pas le seul à chercher à taquiner l’autre ! Maintenant que Faith savait qu’il était en terrain amical, il pouvait s’aventurer et tester les limites de l’amérindien rouge comme une pivoine. Non mais, c’était lui l’aîné ici, tout de même ! Lui aussi pouvait jouer à ce jeu. Sur le même ton qu’avait emprunté son interlocuteur –les rougeurs en moins–, il poursuivit après une cuillère de son met :

Jamais au premier rendez-vous, c’est noté, ehe.

Le blond esquissa un sourire fier de lui et purement canaille, puis il releva un sourcil, curieux d’entendre ce que le brun avait à raconter à ce sujet, s’il le désirait.

Cela me semble être une histoire longue et amusante. Heureusement que nous avons la soirée devant nous !

Le volatile tout fiérot mettait le coyote au défi. Ou plutôt, c'était le retour du petit vieux qui n'avait rien de mieux à faire que d'écouter les romances d'à côté pour chasser l'ennui de sa vie trop longue et pas assez mouvementée - enfin là, ce n'était pas vraiment le cas avec l'histoire de Jack et de la fête foraine. Mais qu'importe !, laissez-le agir comme un humain de son âge un peu, hmpf.

En effet, ils avaient encore la soirée devant eux, et même la nuit si besoin ! Faith avait de toute manière bu assez pour rester éveillé encore longtemps. Il était du genre à tomber comme une masse quand il était vraiment soûl, mais là c'était plutôt le contraire. Il avait juste de quoi l'empêcher de dormir avant un moment.
Encore heureux, le danois avait de quoi se sustenter durant le récit de l’amérindien, s’il parvenait à le faire parler. Le tiramisu était tout à fait aux goûts du changelin amateur de desserts. Le Crowned Stag était un endroit où il devait se rendre plus souvent. Même si le propriétaire était plutôt effrayant, le tiramisu en valait la peine !

D’ailleurs, il tendit la coupe au jeune homme lorsqu’il le lui demanda, car il n’allait pas priver son ami d’au moins y goûter.

Vas-y, c’est aussi bon que le plat ! Je ne sais pas comment tu as trouvé ce restaurant, mais c’était la meilleure des idées !

Sa pique lui fut aisément retournée, faisant comprendre au danois qu’il n’aurait pas le droit à la moindre miette. Et tac, ça lui apprendrait à se montrer trop curieux. Vilain oiseau qui prenait trop vite ses aises. Faith fit la moue mais se ragaillardit en entendant la suite avant de glousser.
C’était une drôle de situation que lui peignait l’amérindien, là. Il n’était pas sûr de vouloir approfondir ce sujet ni même de penser à son ami et son compagnon de cette façon. Et il n’était probablement pas le seul à être de cet avis puisqu’Anoki se réfugia derrière sa tasse de thé, sa mine n’ayant pas perdu de sa couleur.

Il se contenta donc d’hocher vaguement la tête et de reporter son attention sur sa propre boisson en attendant que son employeur se change les idées. Qui était-il pour juger, hm. Les jeunes le surprendraient toujours de bien des façons. Dans tous les cas, il était à présent sûr que ce Greg et son employeur faisait une paire idéale.

Quant au restaurant, Anoki partageait son avis. Qui pourrait trouver plus de défauts à ce restaurant qu’il n’a de qualités ? La nourriture autant que l’ambiance et le service était un bijou orchestré par un seul homme. Son regard se balada dans la salle déjà plus remplie qu’à leur arrivée.

De même pour moi. J’espère avoir l’occasion d’y revenir.

Le danois offrit un sourire éclatant à son interlocuteur puis retourna à son dessert.
Ce tiramisu était un délice –il se répétait, mais Seigneur que c’était bon !– et la note de fruits et de vanille seyait à merveille son thé noir parfumé aux agrumes. Il laissa volontiers l’amérindien reprendre une part du met, comprenant parfaitement qu’on ne pouvait s’arrêter à une seule bouchée sans en revouloir. C’est avec résolution que le changelin se décida d’aller chercher la recette dès qu’il serait chez lui. Afin de satisfaire des envies totalement personnelles, bien sûr...Dans un but scientifique ! Comment pouvait-on faire un dessert si addictif ? C’était trop étrange pour ne pas faire de recherches dessus, pas vrai !
Et puis il en ferait pour ses voisins ou pour la petite Toblerone, si jamais il l’invitait de nouveau !
Rien de mieux que de la bonne cuisine comme disait sa mère, alors la pâtisserie, je ne vous dit pas.

Les deux hommes profitèrent d’un moment de silence pour finir leur repas puis hélèrent de nouveau leur serveuse afin qu’elle apporte l’addition. Le dîner était passé bien vite du point de vue du métamorphe, qui traînailla pour terminer les dernières cuillerées. Le blondinet se sentait comme un chat repu.

Guess it's time to get home then.
L'image de l'après-midi où il avait invité la jackalope après les visions étranges lui revint un instant en mémoire. Et la statuette qu'il avait totalement oublié. Oh. Il n'en avait pas parlé à l'amérindien, de ce fichu bibelot sorti de nulle part.

Anoki, est-ce que par hasard... Il baissa d'un ton avant de poser sa question. Des figurines à l'effigie de squelette, tu en aurais vu à la fête foraine ?

Puis l’employée revint et il observa son employeur réglé pour eux.

La prochaine fois, laisse-moi t’inviter, dit-il en fronçant légèrement les sourcils.